En occitan languedocien, on ne peut pas traduire le français « depuis » par « dempuèi » si on veut parler d'une provenance d'endroit. « Dempuèi » s'emploie seulement pour le temps. Ainsi, on dira : « L’ai pas vist dempuèi lo mes passat » (« Je ne l’ai pas vu depuis le mois dernier »). Et il ne faut pas s'y tromper, si par hasard on disait quelque chose comme : « L’ai pas vist dempuèi Tolosa », cela ne voudrait pas dire qu'on ne l'aurait pas vu de Toulouse, ville où l'on se trouverait ! Cela signifierait qu'on ne l'aurait pas vu depuis le moment, par exemple, où l'on avait eu une réunion ensemble à Toulouse (= « Je ne l’ai pas vu depuis la fois où nous nous étions réunis à Toulouse »).
Avec « dempuèi » la dimension n'est donc jamais celle de l'espace mais toujours celle du temps. Alors, comment faire pour traduire « depuis » si on veut dire la provenance d'endroit ? La forme la plus simple, et la seule - à ma connaissance - qui soit employée dans une partie des aires languedociennes, comme l'Agenais, c'est « de ». Par exemple : « De París poiràs contunhar a t’ocupar de l’entrepresa » (« Depuis Paris, tu pourras continuer à t’occuper de l’entreprise »).
Mais on trouve aussi « d’estant » suivi du nom de l'endroit : c'est la forme employée par Andrieu Lagarda, né à Belesta (Ariège) : « Òu ! Pitaluga, li cridavan d’estant lo camin los païsans » (= « depuis le chemin »). On peut aussi faire cette construction en commençant par « de » suivi du lieu et en terminant par « estant », ce qui donnerait ici : « Li cridavan del camin estant los païsans ». Enfin, Joan Larzac ou son frère Ives Roqueta, nés à Sète, emploient l'expression « dins de » : « Dins d’aicí, es pas evident, mas veiràs », écrit par exemple Ives Roqueta, dans Argerianas (= « Depuis ici, ce n’est pas évident, mais tu verras »).
Joan-Pèire Tardiu
Photo : Manu_H
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