Il y a trois formations du superlatif absolu en occitan :
- (les formations fossilisées (liste fermée) ; données pour information) ;
- les emprunts savants ;
- les formations synthétiques (adjonction d'un préfixe) ;
- les formations périphrastiques (utilisation d'un adverbe d'intensité devant l'adjectif).
1 - Les formations fossilisées
Elle ne se retrouvent qu'en ancien occitan : elles représentent l'évolution phonétique normale de superlatifs latins en -IMUS/-EMUS, -SIMUS, -TIMUS, -ISSIMUS :
altismes/ autismes < altissimus
carismes < carissimus
estrems < extremus
pesmes < pessimus
mermes < minimus (évolution par dissimilation -n-> -r-)
proïsmes < proximus (le tréma signale que le -i- est syllabique ; ce n'est pas une diphtongue)
En latin classique, la plupart des superlatifs étaient bâtis à l'aide du sufixe -issimus : doctissimus (doctus), clarissimus (clarus)… En occitan ancien, cela ne s'est conservé que pour quelques adjectifs de la liste ci-dessus ; mais en italien, c'est la seule formation de superlatif absolu : carissimo... et en espagnol, il est en concurrence avec la forme périphrastique : carísimo / muy caro... La situation du catalan est plus proche de l'espagnol que de l'occitan : l'utilisation du suffixe -issim y est plus courant.
En latin tardif, dans quelques régions, dont la Gaule par exemple, cette formation suffixale fut remplacée par une formation périphrastique plus claire avec des adverbes d'intensité comme bene > ben ; multum > molt ; forte > fòrt ; plane > plan…
2 - Les emprunts savants
Les formes ci-dessus de l'ancien occitan n'ont pas été conservées sauf : altisme / autisme (littéraire). Au XVIe siècle, quelques-unes ont été remplacées par des emprunts au latin :
extrèm(e) < extremu
infim(e) < infimu
minim(e) < minimu
suprèm(e) < supremu
Aux XVIe -XVIIe siècles, quelques formes en -issim(e) ont été empruntées au latin (ou à l'italien) : grandissim ; rarissim ; serenissim…et peut-être quelques autres, pas plus. Leur emploi est limité à des formules fossilisées, par exemple serenissim... à la langue littéraire ou à la néologie fantaisiste (textes parodiques, humoristiques...).
Ce n'est pas un système vivant de formation du superlatif : peut-être que les grammaires de la langue moderne ne le signalent pas.
3 - Les formations synthétiques par préfixation
Elles ne sont pas fermées mais ne se trouvent pas pour tous les adjectifs et ne sont pas aussi usitées que les formations périphrastiques : elles sont plutôt utilisées dans la langue littéraire. Le préfixe le plus courant est : sobre-/subre- en languedocien, suber-/sober- en gascon :
sobrebèl, sobregai…
suberhaut, suberhòrt…
Il est nécessaire de vérifier sur un dictionnaire si elles sont attestées ou non.
4 - Les formations périphrastiques
Dans la langue moderne, ce sont les seules qui fonctionnent pour tous les adjectifs, que ce soient des formes populaires ou savantes (cultes) :
plan content ; plan malcorat ; fòrça estrech ; tot plen amistós ; bravament pesuc…
plan intelligent ; fòrça irreverenciós ; fòrça audible…
formes spécifiques :
prov. : ben : ben content…
gasc. : hèra ; hòrt : hèra espés ; hòrt coratjós…
Il y a quelques autres moyens de marquer le superlatif absolu mais ils restent marginaux.
Quoi qu'il en soit, des formes comme *belissim, *tristissim, semblent aberrantes (étymologiquement : qui se fourvoient, qui sortent de la voie coutumière) et une forme comme *vivissim est ce que les grammairiens d'autrefois appelaient un barbarisme : « l'emploi d'un mot qui n'est pas bâti en suivant les règles de la langue telles qu'elles existent à une époque donnée. » Dans le fonctionnement d'une langue, il y a des choses qui sont possibles, d'autres qui ne le sont pas.
Maurici Romieu
Photo : Dennis Jarvis
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